ROKIA TRAORE, biographie

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L’indépendance d’esprit ne se gagne pas que part des combats et des revendications. Elle s’acquiert aussi au jour le jour, par la compréhension intime de soi comme par l’attention portée à autrui et au monde extérieur ; elle s’apprend et se raffine au fil de temps, tel un métier qui exigerait patience et application. C’est ce long mais sûr travail d’affranchissement de soi de libération des pensées et des désirs, que reflète et raconte la carrière de Rokia Traoré.
Fille d’un diplomate malien qui au gré des nominations de son père aura passé sa vie entre l’Europe, le Moyen-Orient et le Mali.
Rokia Traoré est née à Kati au Mali. Ses parents, qui se sont installés à Bamako (la capitale du Mali) dès la fin des années 60 sont originaires du Bélédougou. Une région du Mali située à la limite du Sahara, proche de la frontière mauritanienne.
Dans l’enfance Rokia connaîtra une vie nomade, menée au fil des affectations de son père diplomate. Son attachement à la musique commence dès cette époque. Les musiques qu’elle écoute avec son père (grand amateur de musique et saxophoniste reconverti après une carrière brève dans l’orchestre de Kati), deviendront vite des repères pour elle, des liens entre ses différents lieux de vie et d’épanouissement, une forme de représentation d’un monde sans frontière comme celui que les voyages lui ont fait découvrir, mais qui n’est point la norme.
À l’âge de douze ans Rokia commence à écrire des textes dont les traductions en bambara deviendront ces premières chansons, Se, Fatalité, Finini

Dans les années 90, après des études en Europe, elle décide d’aller se ressourcer au Mali pour réaliser ce projet qu’elle sent confusément en elle, “- ni pop, ni jazz, ni classique ni musique traditionnelle malienne – quelque chose de contemporain interprété par des instruments traditionnels.” Une véritable gageure dont elle n’a pas conscience des difficultés à l’époque.
Quelques années après le début de son projet Rokia est saluée comme la “Révélation africaine de l’année 1997” après son passage au festival Musique Métisses d’Angoulême, le prix RFI (Radio France Internationale) et le succès de son premier album “MOUNEISSA”. Depuis lors, et au fil des années, son aura ne cesse de croître et son public ne cesse de s’élargir.
Mais Rokia demeurera fidèle à sa quête intérieure, continuant de développer un univers musical profondément singulier.

Beautiful Africa, son dernier album sorti en 2013 est le cinquième jalon discographique d’une trajectoire unique en son genre, tracée sous le double signe de l’exigence et du plaisir.
Cet album est réalisé par l’Anglais John Parish est comme un aboutissement qui reflète et raconte la démarche d’une artiste singulière, mais un aboutissement que d’une étape qui annonce la suite d’une vision artistique qui n’a pas fini d’évoluer.
Dans ses trois premiers albums, Mouneïssa (1998), Wanita (2000) et Bowmboï (2003), Rokia Traoré rénovait ainsi de l’intérieur les traditions de son pays, en rassemblant notamment dans un même cercle créatif des instruments que la coutume tendait à dissocier, comme le balafon, le n’goni et la guitare acoustique ; ou encore en collaborant avec d’autres musiciens sans oeillères comme les Américains du Kronos Quartet.
Avec Tchamantché (2008), elle a ensuite négocié un premier tournant, en intégrant dans son bagage sonore la guitare électrique, devenue son nouvel outil de prédilection, la basse et la batterie.
Révélant les liens du sang et du son qui la raccordaient à Billie Holiday comme à Ali Farka Touré, à la chanson française comme à la famille du rock ou des singers-songwriters anglo-saxons, son écriture et son chant se sont glissés dans un courant expressif, esthétique et historique plus vaste. Suivant l’idéal d’universalité qui l’a toujours gouvernée, Rokia Traoré, multipliant les aventures, s’est transformée en infatigable passe-murailles, capable de s’illustrer du côté de Mozart (le spectacle Wati qui était une commande de Peter Sellars pour son projet New Crowned Hope), comme de Robert Wyatt (l’album hommage concocté par l’Orchestre National de Jazz) ou de Toni Morrison en Peter Sellars (la pièce Desdemona en 2010).

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